Le commerce automobile face à la mobilité électrique

TRIBUNE de Grégoire LECLERCQ, Président de EBP MéCa. 


 
Le commerce automobile face à la mobilité électrique

Si l’on en croit une récente enquête de l’INSEE, le climat des affaires dans l’ensemble du commerce français de détail et du commerce et réparation automobiles s'améliore de nouveau. Mais l’embellie n’est pas la même selon que l’on aborde le secteur de la vente qui progresse ou celui de la réparation qui stagne. D’ailleurs, l’embellie supposée par l’organisme statistique est uniquement fondée sur l'augmentation des soldes d'opinion relatifs aux intentions de commandes et aux ventes passées. Les effets de la crise sanitaire sont durables : marché morose, fin du thermique, pénurie de semi-conducteurs, nouveau rapport à la voiture… Les défis à relever sont nombreux. D’ailleurs, la filière veut se les approprier de sorte à exploiter les tendances et accélérer la reprise.

 

En effet, les Assises nationales de l’automobile qui se tenaient au Mans début novembre ont révélé que les constructeurs traditionnels se sentaient dans l’obligation d’une mutation rapide. Le marché de la voiture électrique s’annonce plus rapidement mature que prévu, avec des effets massifs. Les tentatives d’importations asiatiques en Europe s’accroissent, favorisant les industries chinoises et coréennes. Aussi, l’Automobile dans son ensemble s’apprête à vivre une deuxième révolution industrielle. Elle ne concerne pas uniquement les grands constructeurs. Elle va aussi changer le quotidien du mécanicien réparateur, de l’artisan garagiste indépendant et des agents de marque. Sans oublier les réseaux d’entretien et de distribution. 

 

Face au prix élevé des carburants, les Français anticipent déjà la disparition de la voiture à moteur thermique d’ici à 2040. Mais les motivations pour ce changement sont guidées avant tout par des raisons économiques plus qu’écologiques. 40% d’entre eux avancent “le prix du carburant” devant les “raisons environnementales” (30%). L'enthousiasme des Français est donc encore mesuré et ils restent globalement attachés aux véhicules actuels. OVO Energy et l’IFOP ont relevé que la voiture à essence se classait en 4ème position (79% de “bonne image”), loin devant le véhicule électrique (en 16ème position avec 56% d’image positive). Ceci pour la bonne et simple raison que la voiture thermique est le premier mode de déplacement quotidien. 

 

Dans le match entre thermiques et électriques, la filière qui s’organise autour des trois constructeurs présents dans l’Hexagone - Renault, Stellantis et Toyota - doit faire face aux chocs. Il en va de même pour les quatre équipementiers français de dimension mondiale : Faurecia, Valeo, Plastic Omnium et Michelin. Ils voient le nombre de véhicules assemblés en France continuer de baisser. Pour faire face aux évolutions du marché, une économie de transition va être nécessaire de sorte à permettre une période d’adaptation entre voitures thermiques et électriques. 

Tout d’abord pour créer un parc automobile hybride et/ou électrique, il va falloir entre autres nombreux points, que la France promeuve massivement les investissements en direction des batteries, de l’hydrogène et des techniques de recyclage. Car les Français regarderont le prix de la batterie, son autonomie et l’efficacité du véhicule avant de passer du moteur essence au moteur “propre”. Cela suppose aussi un vaste plan de reconfiguration de la filière en termes de pièces car les véhicules électriques en comportent moins que les thermiques. Il va donc falloir requalifier les salariés et professionnels des métiers de l’Automobile en les formant. Et plus généralement, produire suffisamment d’électricité et déployer un nombre de bornes assurant la viabilité des déplacements urbains comme ruraux. 

 

Enfin, la coexistence des véhicules thermiques et électriques avant la disparition des premières, va être l’occasion pour les  garages indépendants et les réseaux d’entretien et de distribution de faire évoluer leur modèle économique. Toujours réactifs, ils doivent suivre les innovations en développant de nouveaux services pour  leurs clients (relais colis, location de véhicules, intervention chez le client) en tenant compte de la demande locale. De même, leur avenir passera forcément par le garage connecté avec les services à distance, notamment la signature du contrat de services, d’entretien. Utopique ? Regardons par exemple comment nos supérettes de quartiers passées sous les enseignes des grands groupes. Le commerce de proximité peut résister et se développer s’il sait  faire évoluer son offre. Il en ira de même pour les garages indépendants et les réseaux d’entretien et de distribution. Car les fabricants français et les équipementiers savent très bien qu’ils assurent un maillage du territoire sans comparaison. C’est donc vers des partenariats stratégiques que doivent se tourner les différents acteurs pour assurer leur avenir. C’est une des conditions pour que le modèle économique de la voiture électrique permette une dynamique collective.

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